Noël, poème de Paul Charles Bartro (1902)
- Ascendances

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Noël
"Pantins, sabres, fusils, tant d'acier que de bois,
Polichinelles d'or et bonbons à la fois"
La bise est âpre et plus mordante
Sous un ciel bas sinistre et noir
De givre clair le bois s'argente
La neige à lourds flocons va choir.
Déjà l'hiver rugit aux portes
Implacables en sa cruauté
L'hiver qui fait les feuilles mortes
L'hiver des nids tant redouté
Au rustique foyer la flamme luit bleuâtre
Et le père attristé tisonne soucieux,
La mère couds auprès, tout est silencieux
De tout petits sabots sèchent au fond de l'âtre.
Les enfants sont au lit, bien bordés, pleins d'espoir.
Ils ont balbutié quelque antique prière.
Puis se sont endormis, confiants, et sans voir
Une larme furtive aux doux yeux de leur mère.
Noël égrène aux vents les voix des hauts clochers,
Et touchante est leur foi, naïve en la légende
Ardents souhaits jouets rêvés que l'on quémande
Leur cœur empli d'émoi, fait leur sommeil léger.
Ce n'est point que toujours ils ne fussent des sages,
Ceux-ci ne pêchent-ils sept fois par jour d'ailleurs
Mais il n'est de forfait imputable à leurs âges,
Noël leur doit ce soir partager ses faveurs.
Pourtant l'ombre épaissie envahit la chaumière
Le tison s'est éteint, la mère est en prière
Oh l'inconnu sinistre et sombre de demain,
Car tout manque au logis, souvent même le pain.
Aux enfants des jouets ? Mon Dieu, mais il faut vivre.
Il faut du bois, du pain, que sais-je encore?Le givre
Et le gel sont bien durs, et l'argent fait défaut.
À chacun il faudrait un vêtement plus chaud !
Ah ces jouets absents à l'heureuse échéance !
Le jouet c'est l'esprit de l'enfant, son essence
Quand il a pris le vol vers des cieux plus cléments
Reliques ses jouets demeurent talismans.
Noël ne faillit pas pourtant à sa parole
Les enfants assidus fréquentaient une école
Dans un humble village alpestre fort lointain
Or partis le cœur gros pour la classe un matin
Mains vides, yeux rougis, jugez de leur surprise
Dans la salle parée à l'instar d'une église
Un sapin s'érigeait aux lourds et verts rameaux
Étrangement fleuri, chargé de fruits si beaux
Aux tels scintillements d'aveuglantes lumières
Qu'éblouis les enfants fermèrent leurs paupières
Pantins, sabres, fusils, tant d'acier que de bois,
Polichinelles d'or et bonbons à la fois
S'étageaient suspendus éclos sur chaque branche
D'adorables poupées aux doux yeux de pervenche
Court vêtues de satin, narguant le rude hiver
Riaient à belles dents dans tout l'ombrage vert.
L'exquise charité, car il en est encore,
De sa baguette d'or avait tout fait éclore
Voyez ces yeux brillants de larmes attendris
Ce bonheur débordant d'inestimable prix
Cette joie enfantine e qui met l'âme en fête
Chers bienfaiteurs amis, vous-mêmes l'avez faite
Vous rayonne clément un beau ciel éclairci
Messagers de Noël pour ces enfants : Merci !
(1902)

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